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Musique et musiciens d'hier

Troilo est l’emblème du tango, interview de Orlando Dias

troilo5 Editeur : La Salida n°42, février-mars 2005

Auteur : Pierre Lehagre

Troilo est l’emblème du tango, interview de Orlando Dias

Orlando Dias fait partie des premiers danseurs argentins à avoir apporté le tango en France. Il s’est installé à Paris avant même la vague des années 80 provoquée par la venue de la revue « Tango Argentino ».

Quels souvenirs évoquent pour toi Troilo ?

En Argentine chacun vénère une idole, que ce soit Gardel, Maradona, Fangio…. Mon idole à moi, c’est Troilo en raison de la sensibilité de sa musique qui me touche profondément. Quand je suis arrivé en France en 1976, j’avais 2 sacs, l’un contenait mes effets personnels, et l’autre des cassettes de Troilo que j’écoutais en boucle pour calmer, non pas mon mal de mer mais mon mal du pays. J’étais un peu comme les immigrants Européens partis en Argentine et qui écoutaient la tarentelle pour se rappeler leur pays….

Je me souviens également d’une fois où Troilo était venu joué dans mon quartier quand j’étais gamin, ce qui avait déclenché des bagarres. A cette époque chaque quartier supportait son orchestre comme son club de foot favori. Chaque bande de supporters défendait souvent avec les poings les couleurs de son orchestre préféré….

Qu’a t’il apporté par rapport aux autres musiciens ?

Tout d’abord en tant qu’instrumentiste, c’était un bandonéoniste extraordinaire dont les interprétations supplantent celles de monuments tels que Pedro Laurenz, Eduardo Arolas, Taúl Garelo, Léopoldo Federico, José Libertella… C’est pour cette raison que beaucoup qualifient Troilo du titre de plus grand bandonéoniste de Buenos-Aires.

Par ailleurs tous les meilleurs chanteurs de l’époque, Francisco Fiorentino, Floreal Ruiz, Roberto Goyeneche, Raul Beron, Alberto Marino, ont chanté dans son orchestre. Cela a permis que tous les aspects du tango – poésie et musique – soient mis en valeur.

C’était un génie, mais malgré son grand talent, Troilo était un homme abordable, simple et très modeste.. Une anecdote illustre d’ailleurs cet aspect de sa personnalité. Alors qu’il était invité chez Discepolo, celui-ci lui demande : « Es-tu satisfait de ce que tu as fait jusqu’à maintenant ? ». Et Troilo lui répond : « comme-ci comme-ça » ….

Et son rapport avec Piazzolla ?

Piazzolla avait une interprétation très contemporaine. Troilo, au contraire, est toujours resté très proche de ses racines. Ses mélodies étaient très traditionnelles. Chacune de ses phrases arrachent les tripes et le cœur. Quand tu écoutes Maleva, Garua, Nocturna, Maria, c’est une sensation interne très profonde qui te pénètre. Troilo te déshabille à l’intérieur mais sans jamais te dérouter, tandis que Piazzolla peut, dès le départ, t’emmener très loin de tes références habituelles….

En tant que compositeur et arrangeur, comment travaillait il ?

Malgré sa courte vie – il est mort à 60 ans en raison de quelques abus liés à une vie nocturne très intense – son apport a été considérable. En tant qu’arrangeur, il était réputé pour l’usage de sa gomme. Chaque fois qu’un de ses musiciens – par exemple Piazzolla – lui amenait un arrangement trop sophistiqué, il supprimait ce qui lui paraissait trop sortir de la ligne pour rester dans une pureté originelle…

Troilo a-t-il exploré toute les facettes du tango ?

Oui, on trouve dans son œuvre aussi bien des tangos que l’on peut mettre en scène et chorégraphier, que des tangos pour le bal ou des tangos à écouter simplement. C’est un compositeur absolument complet qui a su s’entourer des meilleurs musiciens, poètes et chanteurs. Troilo est l’emblème du tango..

Propos recuellis par Pierre Lehagre

Pour en savoir plus sur Anibal Troilo : /2006/08/12/le-musicien-anibal-troilo/

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