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Le tango dans le monde

Les énigmatiques japonais succombent à l’appel du tango

Editeur :  La Salida n°18, Avril-mai 2000

Auteur : Virginia Gift

Les énigmatiques japonais succombent à l’appel du tango

Pour retrouver cet article, cliquer sur lien suivant : http://lasalida.chez.com/, puis la salida n°18, puis Le tango japonais

Nora Dinzelbacher se souviendra longtemps de sa première classe de tango à Tokyo, en mars 1999 : 620 élèves attendaient anxieusement son arrivée, dans un immense gymnase équipé d’écrans géants. Dans des villes de moindre importance, comme Kumamoto, ils ne furent pas moins de 200. Nora a été tellement impressionnée par l’enthousiasme des élèves qu’elle prévoit de retourner au Japon dès cette année. Selon elle, les japonais se caractérisent, comme les allemands, par un grand respect pour la culture tanguera, une attention particulière portée à l’habillement et leur désir de reproduire les pas enseignés avec exactitude.  »les américains veulent tout changer, les japonais, non. Ils ne semblent pas intéressés par l’improvisation, mais veulent faire les choses exactement comme on les leur montre ».

Depuis que le baron Tsunayoki Megata, de retour d’un séjour de 6 ans à Paris, commença à enseigner le tango dans les cercles aristocratiques de son pays, le Japon a toujours abrité une communauté substantielle d’aficionados. Il est rare qu’un festival international de tango n’accueille pas un contingent significatif de japonais. Mais le nombre de danseurs s’est accru de manière remarquable avec l’intérêt suscité par les shows itinérants tels que Tango Argentino dans les années 1980 et Forever Tango à la fin des années 1990. Depuis, le tango est omniprésent au Japon. Des shows télévisés lui ont été consacrés, allant de l’enseignement des pas de base à l’initiation aux différents aspects de la culture tanguera. Les publicitaires l’utilisent pour vendre des voitures. Piazzolla est un compositeur populaire au Japon, et, depuis qu’il y a été interprété par des musiciens classiques tels que Giddon Kremer et Yo Yo Ma, on peut trouver ses CD chez n’importe quel disquaire. A l’autre extrémité du spectre culturel, le refrain populaire  »Dango tango » est un des plus grands  »hits » de tous les temps, avec plus de 5 millions de CD vendus. Pratiquement tous les mois, on peut voir au moins deux orchestres de tango argentin de passage à Tokyo, ville pourtant bien éloignée de Buenos-Aires – presque de l’autre côté du globe terrestre.

La présence du tango argentin s’étend également hors de Tokyo. En juin 1999, une nouvelle tangueria a été ouverte à Kyoto, la plus japonaise des villes. Leurs animateurs, les chiliens Lucia et Alvaro en parlent avec fierté :  »ce n’est pas un studio de danse, c’est une tangueria où il se passe quelque chose tous les jours : cours, concerts, conférences, bals, films, vidéos, etc. Nous voulons que les japonais soient plus proches du tango, en créant une atmosphère telle qu’ils se sentent comme en Argentine »

Les  »tango parties » -comme on les appelle au Japon- commencent habituellement entre 5 et 6 heures de l’après-midi pour se terminer à 9 heures. Beaucoup de japonais, qui vivent dans des banlieues lointaines, arrivent directement du travail avec leurs vêtements de tango.

Le tango de salon, appelé  »shako dansu » est encore beaucoup plus répandu que l’argentin. Il a connu un engouement spectaculaire après le film  »Shall we dance ? » Depuis, les clubs ont fleuri dans tous le pays, avec leur cortège de concours et de tenues vestimentaires de rigueur (smoking pour les hommes, robes du soir avec strass et paillettes pour les femmes). Dans ces lieux, le tango voisine avec le fox-trot et la valse, plus qu’avec les danses latines. D’après l’anthropologue Marta Saviligiano,  »le style shako est surtout répandu dans les masses peu sophistiquées. Beaucoup de danseurs de shako considèrent en effet que le tango argentin, avec son style  »asi nokan » ( »jambes enlacées ») fait étalage d’une sensualité déplacée et quelque peu vulgaire ». Par contre, les classes supérieures se sont éloignées du shako pour se rapprocher de ce qu’elles appellent le  »pur » tango argentin.

La popularité de la musique tango au Japon dépasse largement le milieu des danseurs. Il existe plusieurs bons orchestres japonais, dont le plus connu, Astrico, a effectué de nombreuses tournées à travers le monde.

Virginia Gift

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