Editeur : La Salida n° 31, décembre 2002 à janvier 2003
Auteur : Francine Piget
Entretien avec Juarez Machado
Propulsée au milieu d’une foule au vernissage, je suis éblouie par l’univers « Machadien »:les femmes, l’amour, la danse, les années folles, tout cela dans un déferlement de couleurs dont on se détache avec peine. Je ne peux en rester là et je vais rencontrer Juarez Machado pour contempler son œuvre plus tranquillement et en parler avec lui.
LS : comment est née votre vocation artistique ?
« Je suis né à Joinville, au sud du Brésil dans une contrée qui avait été donnée en dot au Prince de Joinville lors de son mariage, ce qui fait que, dès ma naissance des liens étaient tissés avec la France. Mon père, d’origine portugaise, était voyageur de commerce et, lorsqu’il rentrait de ses tournées, il avait ses valises pleines d’objets qu’il restaurait devant moi pendant que ma mère, d’origine allemande, peignait des éventails. J’ai donc, depuis tout petit, trempé dans le visuel, la matière, le goût du beau. De plus, à son retour, mon père avait toujours un cadeau pour moi : c’était un gâteau à la banane, et ce gâteau j’en ai toujours le goût. C’est pourquoi la cuisine (notamment française) le champagne, la fête font partie de mon univers visuel.
« Plus tard, je suis entré aux Beaux-Arts à Rio. Il a fallu que je trouve du travail pour avoir un peu d’argent. J’ai commencé à travailler pour la télé qui démarrait à Rio, ainsi que pour le théâtre. J’ai fait des décors, des costumes des dessins d’architecture, des caricatures pour les journaux (même politiques). J’ai aussi été acteur et mime pendant assez longtemps. J’ai aussi collaboré avec des psychologues qui s’occupaient des enfants défavorisés des favellas : j’ai réalisé un livre tout en images (sans aucun texte) que les enfants interprétaient à leur manière. Ces interprétations étaient ensuite décryptées par les psychologues. Ce fut un travail très intéressant.
«En 68, j’ai tout arrêté pour me consacrer uniquement à mon œuvre picturale : peintures à l’huile, pastels, sculptures ».
LS : Qu’est ce qui vous inspire lorsque vous créez ?
« Tout ce qui fait la vie : le métro, la rue, les lieux que je fréquente. Mais aussi la musique, la danse, le champagne, les femmes, l’amour, les années 25-30, car c’est une époque qui me plaît et que j’aurais aimé vivre. Et par dessus tout, le tango parce que c’est une danse sensuelle, nostalgique, qui prend aux tripes . C’est l’abandon de l’autre dans une harmonie totale qui s’explique difficilement. a samba qui est une danse de mon pays ne m’inspire pas de la même manière.
La bicyclette joue un grand rôle aussi dans ma vie, car j’ai vécu dans une ville où c’était pratiquement le seul moyen de locomotion et chaque habitant possédait une moyenne de deux vélos : un pour le travail et un pour le dimanche. J’en ferai un jour une rétrospective car tout ce qui a rapport à la bicyclette reste ma collection personnelle.
La peinture est mon grand plaisir, elle m’a donné mon identité et c’est ainsi que, peu à peu, je me suis construit. Avec le dessin j’ai fait les os, avec les couleurs, la chair ; avec l’émotion, le sang..J’engrange toutes les images et les émotions en moi et lorsque je me mets au travail je suis comme un ouvrier, je n’ai plus qu’à traduire et à fabriquer. Ma dernière exposition a été préparée en deux mois.
Je me suis aussi beaucoup intéressé à l’architecture, aux monuments. Lorsque je suis arrivé à Paris je connaissais déjà tout sans y être venu, je me dirigeais dans le métro, dans les rues. Je me sentais chez moi. C’est ainsi que je me suis installé à Paris dans un atelier à Montmartre où je vis une partie de l’année. Je vis aussi à Rio : je ne peux me passer ni de Paris ni de Rio »
Propos recueillis par Francine Piget
Ce qui caractérise la peinture de Machado, c’est la précision du trait, des détails infimes qui se trouvent dans chaque tableau, les couleurs et, par-dessus tout une touche d’humour. Celle-ci peut se retrouver dans les visages, les attitudes les gestes ou les situations et c’est tout ce qui fait le charme de ces oeuvres. Ne manquez surtout pas le voyage! Merci, Monsieur Machado de nous faire rêver.
Pour retrouver les peintures de Machado, cliquez sur les liens suivants : Machado1, Machado2
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