Editeur : La Salida n°26, décembre 2000-janvier 2001
Auteur : Fabrice Hatem
Tinto roja (Couleur rouge), de Catulo Castillo
Catulo Castillo, auteur de Tinta Roja, a tenu un rôle-clé dans l’histoire du tango. Cet « enfant de la balle » s’illustra d’abord au cours des années 1920, comme compositeur, notamment sur des textes de son père, le poète José Gonzalez Castillo ( Silbando, Patio mio, Organito de la tarde…). Il se tourna ensuite lui-même vers la littérature.
Figure éminente du cercle dit « de Boedo », c’est par excellence le poète de faubourg populaire et de la nostalgie. Au cours de sa période de production littéraire, qui couvre trois décennies entre 1935 et le début des années 1960, il collabora avec de très nombreux musiciens, dont Anselmo Aieta, (Color de barrio), Pedro Mafia (Se muere de amor), Armando Pontier (Anoche), Hector Stamponi (El ultimo café), Mariano Mores (El patio de la morocha), Sebastian Piana (Tinta roja) et, bien sûr, Anibal Troilo (Una Cancion, LA Ultima Curda, A Homero…). Il continua simultanément à composer lui-même quelques musiques, notamment pour ses propres poèmes (Café de los angelitos…). Il fut aussi, en digne continuateur de son père anarchiste, un militant progressiste, engagé dans l’action politique et syndicale : conseiller municipal de Buenos Aires, puis dirigeant de la Sadaic (Société des auteurs et compositeurs argentins)…
Composée en 1941, Tinta Roja fut d’abord enregistrés par l’orchestre d’Anibal Troilo avec la voix de Fransisco Fiorentino, pour ensuite figurer au répertoire des plus grands chanteurs.
Avec cette œuvre, on pourrait dire que Castillo s’est également essayé à la peinture. La construction du poème fait en effet penser au travail d’un peintre qui juxtapose les couleurs en touches rapides sur sa toile : le rouge du mur, le gris du faubourg, le carmin de la boîte aux lettres, le vert du géranium, la clarté de la lune, la blondeur de l’amour perdu, la noirceur de la nuit… Ces couleurs revêtent également un sens métaphorique : les teintes vives, qui évoquent le jaillissement de la vie s’opposent en effet aux couleurs sombres, associées à la tristesse du faubourg pauvre. Mais laissons parler à ce sujet la peintre Liliana Rago.
Fabrice Hatem
L’avis de la peintre Liliana Rago
Tinta roja est un tango-tableau, un poème coloré, imagé, gestuel. Couleurs, sentiments et souvenirs se mélangent sur la même palette. Ainsi, le fond rouge du « paredon » est comme une tâche de passion sur le gris nostalgique du faubourg d’autrefois.
Cela me fait penser à Escala, Gerli, Avellaneda, Barracas, tous ces quartiers que je traversais chaque matin pour me rendre à l’école des Beaux-Arts dans le pittoresque « barrio » de la Boca. Sur mon chemin, les « paredons » étaient partout présents, comme une geste effacé du pinceau qui se perdait dans la perspective rectiligne de la ville ou derrière un coin de la rue. Sur les briques, les inscriptions multicolores se superposaient : déclaration d’amour, d’espoir, de crainte, de révolte…
Derrière ces grands murs, le passé nous parle de vieilles usines, d’immigrants, de conventillos (…). Le temps les a comme oxydés, les teintant de nostalgie et d’oubli. Ces tableaux sur fond de brique sont inscrits dans ma mémoire. Il y a souvent un « Paredon » derrière mes danseurs. Et les façades de Buenos Aires que je représente sont témoins de ce souvenir.
Liliana Rago
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