Editeur : La Salida n°10, Octobre-novembre 1998
Auteur : Fabrice Hatem
Milonga sentimentale
Composée par Sébastien Piana, la musique de Milonga Sentimental fut ensuite enrichie par un très beau poème d’Homero Manzi. L’œuvre fut initialement représentée en 1931 au cours de la revue « El Sueno del peludo » par un quartet composé de Rosita Contreras, Pepita Cantero, Garcia Ramon et Casaravilla. Elle entra ensuite dans le répertoire Maffia au Théâtre San Martin, où elle obtint un grand succès. Les enregistrements qui contribuèrent à la populariser furent ceux d’Adolfo Carabelli en 1932, de Fransisco Canaro en février 1933, et surtout de Carlos Gardel, qui l’enregistra deux ans avant sa mort, lors de son dernier séjour en Argentine , le 23 janvier 1933. L’intérêt du public permit de remettre au goût du jour le genre musical, alors un peu oublié, de la milonga, désormais enrichie par l’apport de la chanson.
L’œuvre, dans la version proposée par Carlos Gardel, comprend une introduction, 3 sections vocales (couplet + refrain) de 37 mesures chacune et une petite conclusion, soit au total 118 mesures. La structure rythmique est extrêmement simple : mesure à 2/4, rythme de milonga caractéristique. L’harmonie est également très simple : tonalité en sol majeur sur l’introduction et les couplets ; passage en sol mineur sur le refrain. Mise à part une très courte marche harmonique en do mineur/la mineur sur le refrain, l’ensemble est marqué par l’alternance des accords de tonique et de 7ème de dominante, c’est-à-dire la structure harmonique la plus élémentaire que l’on puisse imaginer.
L’œuvre présente un contraste très marqué entre ses deux composantes. D’une part, une musique de milonga assez entraînante. D’autre part un très beau texte poétique, qui exprime le désarroi de l’homme trahi par la femme aimée : le pardon un instant accordé et le désir de vengeance qui resurgit ; la haine qui à nouveau s’efface devant le désir et l’amour renaissants ; les questions sans réponse devant l’incompréhensible abandon ; la volonté de se comporter dignement malgré l’humiliation.
Ce contraste pose un intéressant problème au danseur : comment concilier l‘interprétation d’un texte sombre et d’une musique, sinon joyeuse (car les interprétations de Milonga Sentimental sont en général assez lentes* et n’ont pas le caractère endiablé d’autres milongas aux thèmes plus gais), du moins enlevée ?
Fabrice Hatem
*Il s’agit d’une milonga campera, qui vient de la campagne et celle-ci est plus lente. (NDLR)
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