Editeur : Le Nouvel Economiste, mars 2005
Auteur : Fabrice Hatem
Quartiers généraux européens : concurrencer les îles britanniques ?
En janvier, l’américain Alterpoint, spécialiste des solutions de sécurité informatiques, implante son quartier général européen à Londres. En février, l’australien MarketBoomer (commerce en ligne), fait de même à Dublin. En mars, c’est au tour du biotechnicien américain Upstate de localiser ses activités de décision et de production européennes dans le parc technologique de Dundee, en Ecosse. En ce début d’année 2005, l’attractivité des îles britanniques pour les sièges sociaux des firmes multinationales ne se dément pas.
Le fait, il est vrai, est tout sauf une nouveauté. Dès les années 1970, les firmes américaines, à mesure que leurs activités se développaient sur le Vieux continent, ont commencé à y créer des centres locaux de gestion dotés d’une autonomie de décision. Londres leur semblait alors une destination presque naturelle : pratique de la langue anglaise, similitude des systèmes juridiques, ouverture aux investisseurs étrangers, puissance de la place financière … Seules Amsterdam et Bruxelles – pour des raisons notamment fiscales – ainsi que Francfort – du fait de l’importance du marché allemand – parvenaient alors à concurrencer la capitale britannique.
Aujourd’hui, le « marché » européen des quartiers généraux (QG) n’a rien perdu, tant s’en faut, de son dynamisme. Il bénéficie en effet, outre un flux permanent de nouvelles implantations d’origine asiatique ou américaines, de la création, par les firmes européennes elles-mêmes, de centres de décision régionaux à l’intérieur du continent (en Scandinavie, Pays de l’est, Méditerranée, etc.). Près de 450 projets ont été ainsi recensé au cours des trois dernières années, dont une majorité (60 %) d’origine nord-américaine, un quart d’origine européenne, et 10 % en provenance d’Asie. Un ensemble d’ailleurs assez hétérogène, depuis le petit centre de coordination commerciale jusqu’au grand quartier général polyvalent employant plusieurs centaines de cols blancs. Mais un marché qui représente, au bas mot, 10 000 emplois par an, avec un enjeu indirect encore plus large : renforcer le rayonnement des villes d’accueil à travers l’implantation de centres de décision de dimension internationale.
Au fil des ans, cependant, la concurrence s’est accrue. Au nord, la Suède et surtout le Danemark ne se contentent plus d’attirer de petits centres de décision à vocation locale, mais cherchent à jouer dans la cour des « grands » quartiers généraux. Au Sud, Barcelone s’affirme dans son rôle de capitale des affaires en Europe du sud. Quant aux villes allemandes (Francfort, mais aussi Munich, Hambourg et Berlin), elles tirent profit du déplacement vers l’est du centre de gravité économique de l’Europe. Enfin, les métropoles d’affaire suisses jouent sur l’image de fiabilité du pays – ainsi que sur de substantiels avantages fiscaux – pour attirer les sièges sociaux. Des décisions récentes, comme l’implantation du taiwanais ZyXEL à Copenhague, des américains GTCO Calcomp à Munich et CEI Group à Barcelone, ou encore l’extension du siège de Procter and Gamble à Genève, témoignent de l’émergence de ces nouvelles destinations.
Les principales victimes ? Les villes du Benelux, qui avaient réussi, dans les années 1990, à attirer de nombreux QG, grâce notamment à un droit des sociétés très protecteur et à une fiscalité des centres de coordination très avantageuse. Privées de ce dernier atout par une décision récente de la commission européenne à la suite du rapport « Primarolo » de 2000, elles ont vu – tout particulièrement Bruxelles – se raréfier les projets d’implantation.
Si la préeminence des îles britanniques a également été écornée, celles-ci continuent cependant d’attirer massivement : plus du tiers des projets de QG internationaux au cours des trois dernières années. Londres, bien sur, caracole toujours en tête des métropoles européennes. Mais d’autres villes, comme Glasgow Cardiff, Oxford, Cambridge, et, en Irlande, Dublin, réalisent également de belles performances. En tirant parti de segments de marché porteurs, comme les logiciels, les services financiers, les biotechnologies ou les industries de l’information.
Un succès dont les grandes villes françaises cherchent à s’inspirer. Car, avec une « part de marché » européenne inférieure à 10 %, la France peut certainement mieux faire en termes d’attraction des projets de QG. Paris, en particulier, fait pratiquement jeu égal avec Londres et dépasse Francfort dans tous les classements internationaux mesurant le rayonnement des grandes métropoles européennes, comme celui publié chaque année par Healey et Baker. Un potentiel qui pourrait être davantage exploité.
Fabrice Hatem
Poir une étude plus complète sur les investissements internationaux en QG et CSP en Europe : /2006/06/09/les-investissements-etrangers-en-europe-dans-les-qg-et-fonct-administratives-2002-2005-juin-2006/