Editeur : Le Nouvel Economiste, 19 mars 2005
Auteur : Fabrice Hatem
Maintenance aérienne : un marché séduisant, mais difficile
Le projet est officiel depuis février dernier : un site de déconstruction d’avions en fin de vie, d’une capacité de 20 appareils par an, sera implanté sur l’aéroport de Tarbes. Le projet, fruit d’un partenariat entre Airbus Industries, Sogerma (groupe Eads) et Sira (groupe Suez) pourrait être opérationnel en 2006, avec 70 emplois à la clé. Un premier succès dans le cadre de la politique d’accompagnement à la restructuration des activités de Giat Industries, qui parie notamment sur la maintenance aérienne pour revitaliser le bassin de Tarbes.
A priori, les opportunités semblent en effet séduisantes. Au cours des dix prochaines années, le trafic aérien devrait progresser, selon les dernières prévisions de l’Union internationale des transports aériens (IATA) de près de 6 % dans le monde et de 5 % en Europe. En 2020 , la flotte d’avions de lignes civils pourrait dépasser 20 000 appareils. Et les préoccupations croissantes de sécurité conduiront vraisemblement à un renforcement des normes techniques. Les activités de maintenance aérienne devraient donc représenter un marché croissant, encore dopé par la politique d’externalisation mise en œuvre par les compagnies aériennes : plus de 60 milliards de dollars dans le monde en 2010 selon Ernst and Young, dont le tiers en Europe… sans même compter la maintenance militaire.
Un marché qui suscite les convoitises de l’ensemble des acteurs de la filière aéronautique : filiales de maintenance des compagnies aériennes, comme Lufthansa Technik, Singapore Technologies ou Air France Industries ; équipementiers et motoristes, comme Genéral Electric, Pratt and Whitney ou Snecma (à travers sa filiale Sochata) ; plus récement, constructeurs, comme Eads (à travers sa filiale Sogerma) ou Eurocopter ; ateliers militaires désireux de se reconvertir pour palier au déclin de leurs activités traditionnelles, comme les AIA en France ou la DARA au Royaume-Uni ; enfin, petites sociétés de maintenance spécialisées, comme en France, Bruey, Equip Aero ou EBS.
Mais une autre catégorie d’acteurs est intéressé par le marché : les autorités aéroportuaires. L’idée est simple : les avions peuvent se déplacer sur de longues distances pour faire effectuer leur maintenance sur le site offrant le meilleur rappport qualité/prix. En attirant suffisament de prestaires sur l’aéroport et dans sa région, on pourrait constituer une offre de maintenance attractive pour les compagnies. On diversifierait ainsi les activités du site, tout en valorisant le potentiel technique et industriel local. Un pari que tentent aujourd’hui de nombreux aéroports secondaires en France. En Picardie, Méaulte de capitaliser sur la présence d’Airbus industries (assemblage des nez des appareils) ; en Champagne, Vatry joue sur son image de nœud logistique multimodal ; en Bretagne, l’aéroport de Dinard-Pleurtuit, presqu’entièrement dédié à la maintenance, fait valoir sa proximité au couloir aérien transatlantique et la présence dans la région ouest de plus de 400 entreprises de la filière aéronautique. Chateauroux, Clermont-Ferrand, et quelques autres, affirment également leurs ambitions, faisant tous valoir, entre autres arguments, une importante disponibilité foncière qui contraste avec l’engorgement des grands aéroports du nord-ouest européen (Paris, Amstersdam..).
Mais le pari est loin d’être gagné. Le marché ? Même si le transport aérien repart après 3 années médiocres consécutives au 11 septembre, les compagnies, durement secoués par la crise, cherchent par tous les moyens à réaliser des économies, y compris dans la maintenance : rationalisation des flottes, simplification des procédures, mise en concurrence accrue des prestataires. Quant à la compétition entre aéroports, elle est redoutable. En Europe, les régions de Hambourg et de Cardiff concentrent une offre intégrée de services de maintenance, allant de l’entretien des moteurs et des carlingues à la formation des équipes. Les pays de l’est et même d’Asie jouent avec une efficacité croissante sur le faiblesse des coûts de main d’œuvre : Lufthansa effectue par exemple une partie de la maintenance de ses appareils à Singapour. Honewell vient d’annoncer l’implantation d’un site de fabrication et de maintenance de composants pour moteurs à Olomouc, en République tchèque.
Confrontée à une difficile concurrence sur les activités de maintenance courante, dites « en ligne », où les coûts salariaux constituent un facteur de localisation non négligeables, les sites français essayent donc de se spécialiser sur le « haut de gamme » : activités de maintenance « lourde » ou spécialisées, plus exigeantes en matière de qualité de la main d’œuvre et d’environnement industriel. Avec déjà quelques succès, comme le montre l’exemple récent de Tarbes.
Fabrice Hatem
pour consulter une étude plus complète sur la maintenance aérienne, cliquer sur le lien suivant : maintenance (pdf).