Editeur : Le nouvel économiste, n°1275, 15 octobre 2004
Auteur : Fabrice Hatem
Les aliments-santé : un antidote contre la désindustrialisation ?
Du 17 Au 21 octobre, se tient à Paris le Salon International de l’alimentation. Une occasion de faire le point sur le développement d’une industrie pleine de promesses pour notre pays : celle des aliments-santé.
Vous voulez maigrir ? Mangez ! Vous voulez rajeunir, bronzer, améliorer vos performances sportives et intellectuelles ? Mangez ! Mais pas n’importe quoi, bien sûr. Des aliments-santé, produits spécifiquement conçus pour exercer, en plus de leur valeur nutritive, un impact positif sur le bien-être et la physiologie du consommateur. Un marché mondial estimé aujourd’hui à près de 100 milliards de dollars, dont le tiers en Europe de l’ouest. Avec des taux de croissance à deux chiffres, dopé par les nouvelles attentes du consommateur occidental, de plus en plus sensible à l’impact de l’alimentation sur sa santé et son bien-être.. et prêt à payer cher pour cela. Les industriels, confrontés à la saturation des marchés alimentaires dans les pays développés, ont sauté sur la bonne affaire.
A vrai dire, on ne sait pas très bien définir les aliments-santé. Chaque spécialiste, chaque industriel, a sa définition. On peut, par contre, segmenter le marché en trois catégories de produits : les diététiques, où la présence d‘éléments considérés comme indésirables est réduite ou éliminée (ex : margarines allégées en graisses) ; les aliments fonctionnels, enrichis en éléments désirés pour leur impact favorable sur une fonction physiologique (ex : yaourt Bifidus pour faciliter la digestion) ; enfin, les compléments alimentaires ou « alicaments », produits de synthèse concentrant certains composants jugés bénéfiques (ex : vitamines…), souvent présentés sous forme de pilule ou de potion, et qui constituent à eux seuls la moitié du marché total des aliments-santé.
Situés à la charnière d’activités autrefois distinctes, les aliments-santé attirent la convoitise convergente des industriels de l’alimentation, de la beauté, et de la santé. Mais si les premiers peuvent développer seuls, moyennant un effort supplémentaire de recherche, des produits traditionnels « allégés » ou « enrichis », les autres doivent élargir leur domaine de compétences ou trouver des partenaires dans l’agro-alimentaire. D’où une multiplication des partenariats croisés : Nestlé et L’Oréal ont ainsi créé la ligne Innéov spécialisée dans les compléments nutritionnels à visée cosmétique ; Novartis et Quaker Oats, la ligne Aviva d’aliments diététiques ; Merck et Théramex, le médicament Evestrel pour lutter contre les effets négatifs de la ménopause.
Or, notre pays dispose de compétences importantes dans tous ces domaines. Si les firmes américaines et surtout japonaises ont joué une rôle précurseur et occupent toujours des part de marché importantes (à l’exemple de Shiseido avec son fameux yaourt anti-rides à l’Aloévera), les européens ont rapidement rattrapé leur retard initial. Les entreprises agro-alimentaires françaises comme Danone ou Lactalis sont, entre autres, à la pointe de l’innovation en matière de produis laitiers allégés, bio-actifs, enrichis en vitamines ou en fibre, à l’exemple du yaourt Actimel de Danone au Lactobacillus Casei, un vrai « blockbuster » avec ses 400 millions d’euros de CA. Les industriels français de la pharmacie et des cosmétiques se sont également lancés dans cette activité, comme Pierre Fabre avec sa ligne Diarance bronzage. Il existe aussi de nombreuses PME spécialisés, comme Arkopharma pour les produits à base de plantes ou Juva-santé avec son complexe vitaminé Juvamine beauté. Des pôles de compétitivité régionaux émergent : rien que dans l’ouest de la France, 6000 personnes travaillent déjà dans l’industrie des aliments-santé. La recherche publique est également active, avec le lancement, il y déjà dix ans, d’un grand programme de recherche en nutrition et santé et la création de trois grands centres à Clemond-Ferrand, Nantes et Lyon. Des firmes étrangères, comme Unilever, Nestlé, ont choisi la France comme base d’activité en Europe en ce domaine. Dernier en date : le groupe italien Futura, qui vient d’annoncer l’installation à Messon, près de Troyes, d’une unité de panification à base de céréales bio, avec 120 emplois à la clé.
Certes, tout n’est pas gagné d’avance : le rythme de développement du marché, certainement rapide, reste subordonné à l’édiction d’une réglementation claire en matière d’allégation-santé. Le développement des produits induits pour les industriels des coûts croissants de recherche et de publicité, avec un taux d’échec commercial très élevé. La concurrence de nos voisins européens est forte, comme en témoigne l’implantation récente d’un grand laboratoire de recherche par Bayer à Ghent, en Belgique, pour le développement de produits à base de plantes pour la santé et la nutrition. Mais c’est dans ce type d’activités que l’industrie française trouvera son nouveau souffle.
Pour une étude complète sur les investissements internationaux dans l’agro-alimentaire en Europe : /2005/12/07/les-investissements-internationaux-dans-les-iaa-en-europe-2005/