Editeur : Le nouvel économiste, n°1276, 22 octobre 2004
Auteur : Fabrice Hatem
Dermocosmétiques: La France se refait une beauté
A la charnière des cosmétiques et de la pharmacie, l’industrie des dermocosmétiques associe le meilleur de la tradition française avec l’un des ses principaux points forts technologiques. Un facteur d’optimisme par ces temps de délocalisation…
Depuis les courtisanes maquillées de la cour de Louis XIV, les cosmétiques constituent une composante fondamentale de notre tradition industrielle et de notre image de « savoir-vivre ». Ils connaissent actuellement un renouveau extraordinaire liée à l’évolution même de la « fonction » cosmétique : il ne s’agit plus seulement aujourd’hui de masquer ou d’embellir artificiellement, mais d’améliorer le physique intrinsèque de l’utilisateur, en renforçant la protection de l’épiderme contre le vieillissement, en accélérant le bronzage, en améliorant les qualités naturelles de la peau, en procurant une sensation de bien-être. Le produit cosmétique devient ainsi un produit de santé.
A vrai dire, le terme « dermo-cosmétique » est un peu un fourre-tout : ou y trouve à la fois de vrais médicaments, fournis sous forme de crèmes ou de produits vaporisés, et des produits de beauté très classiques auxquels on a accolé une allégation-santé de manière à séduire un consommateur toujours plus avide de jeunesse et de bien-être. Mais c’est également une réalité industrielle et commerciale, qui attire les intérêts convergents des entreprises traditionnelles des cosmétiques et de celles de la pharmacie. Un marché de taille déjà respectable : 30 à 40 milliards de dollars dans le monde – selon la définition retenue – avec des taux de croissance de 5 à 6 % par an.
Cette activité-charnière requiert des compétences venue à la fois du monde de la pharmacie – pour concevoir les formules actives, passer les tests cliniques de plus en plus exigeants – et de la cosmétique – pour mettre au point des vecteurs d’application agréables et séduisants, organiser les activités de distribution et de promotion. D’où des rapprochements – partenariats, acquisitions – entre firmes issues de ces deux activités autrefois distinctes. A l’exemple du partenariat entre L’Oréal et l’américan Alcon pour la production de la ligne Galderma destinée à combattre les affections cutanées bénignes comme l’acnée.
Bonne en cosmétiques, bonne en pharmacie, la France a constitué au cours des années récentes un véritable laboratoire pour l’invention de nouveaux produits. Les exemples ? La ligne de produits anti-rides de Vichy ; les traitements capillaires de René Furterer ; la ligne santé-beauté de Neutrogena ; les produits à base de plante d’Arkopharma ; les produits anti-veillissants, anti-sécheresse, amincissants et photo-protecteurs de Pierre Fabre, un laboratoire pharmaceutique qui réalise déjà plus de 40 % de son chiffre d’affaires dans les dermocosmétiques ; les produits cosmétiques et capillaires d’Alès group ; les produits anti-acnée d’Exfoliac…
Sur le plan géographique, les principaux pôles de compétitivité sont calqués sur la carte de France traditionnelle des cosmétiques : une grosse concentration sur l’île de France, où sont regroupés la majeure partie des sièges sociaux et des centres de recherche ; un pôle de compétitivité fort dans la région centre, avec sa « Cosmetic Valley » où sont rassemblés d’importants laboratoires comme celui de la Roche Posay ; mais aussi la région Midi-Pyrénées avec Pierre Fabre ; PACA avec les implantations de Biotherm ; le Nord et la Picardie, avec leur tradition pharmaceutique et dans le secteur du flaconnage….
C’est aussi une activité dans laquelle nous pouvons espérer un afflux de capitaux étrangers. : cosmétiques et pharmacie figurent en effet parmi les domaines industriels où nous avons pour l’instant le mieux résisté au mouvement de délocalisation. Au cours de la période 1998-2002, la France a par exemple accueilli 24 % des projets et 14 % des emplois créés en Europe (pays de l’est inclus) par les multinationales de la cosmétique. Une bonne nouvelle récente : la décision de Procter and Gamble, en septembre dernier, de faire du site d‘Ondal France, situé à Sarremingues (Moselle), dont il est devenu l’actionnaire majoritaire après un accord avec l’allemand Wella, un de ses principaux pôles européens pour la production de produits capillaires. Certes, le nombre d’emplois créés reste modeste, la dermocosmétique n’étant pas, fondamentalement, une industrie de main d’œuvre. Mais c’est cependant un marché significatif sur lequel la France est bien placée.
Fabrice Hatem
Pour une étude sur la filière cosmétique dans la région Euro-Méditerrannée : /2005/01/03/la-filiere-cosmetique-dans-la-region-euromediterranee/