Fiction de Andrés Wood, Chili, Argentine, Brésil, Espagne, 2011, 110 minutes
Basé sur le roman biographique de Angel Parra, Violeta Parra, ma mère, Ce film retrace la vie de la grande chanteuse chilienne, morte en 1967 à 50 ans après avoir joué un rôle pionner dans la redécouverte du folklore populaire de son pays. Suivant une trame chronologique, mais rythmée par de nombreux flash-back et des scènes d’interviews télévisés, le film retrace, dans le style d’une fiction mais en respectant les faits réels, les principales étapes de la vie de la chanteuse : son père professeur de musique, qui meurt trop jeune, détruit par l’alcool, la laissant orpheline et démunie ; le petit music-hall ambulant qu’elle monte avec toute sa famille, pour vivre de tournées misérables ; ses pérégrinations à travers le Chili, accompagnée de son fils, pour aller recueillir le patrimoine folklorique populaire qui constituera le fondement de son œuvre d’auteur-compositrice ; son engagement politique communiste ; ses voyages et ses séjours en Europe, marqués par sa liaison avec le musicologue suisse Gilbert Favre ; ses incursions dans les arts plastiques, comme la peinture et la broderie ; enfin la création dans les faubourgs de Santiago, sous un grand chapiteau, de son centre des arts, dont l’échec contribuera à son suicide… La bande sonore, où les principales compositions de Violeta Parra sont interprétées avec talent par Francisca Gavilàn, nous permet de suivre pas à pas la genèse d’une œuvre profondément enraciné dans la vie de Violeta.
Le choix du récit fictionnel nous permet, mieux qu’un documentaire, de prendre la mesure du caractère entier et rugueux d’une artiste sans concession et d’une femme blessée jusqu’à la mort par les déceptions de la vie. Francisca Gavilàn incarne avec une grande puissance un personnage entier et douloureux, toujours vêtue sans recherche de vieilles jupes informes, parcourant à pied les montagnes rocailleuses des Andes chiliennes pour recueillir les chants traditionnels de la bouche des vieux paysans, perdant sa petite-fille nouveau-né alors même qu’elle connaît ses premiers succès internationaux lors d’une tournée en Pologne, capable d’apostropher violement au cours d’un concert un public insuffisamment attentif, et nouant avec son dernier et trop jeune amant une relation houleuse dont l’achèvement la plongera dans une désespoir sans retour. On sent aussi monter, au fil des scènes de colère quasi-hystérique, les signes d’une instabilité psychologique qui conduira finalement l’artiste à mettre fin à ses jours.
Même si le montage apparaît parfois inutilement complexe, multipliant de manière trop systématique les flash-back et les entrelacs de plans narratifs, le film frappe comme un coup de poing, provoquant à la fois l’empathie pour ce caractère entier et fragile et l’intérêt pour cette artiste pionnière de la découverte du folklore andin.
Fabrice Hatem
(Vu au festival Filmar en America latina, à Genève, le Dimanche 25 novembre 2012)